Coup de coeur manga : je veux

Coup de coeur manga : je veux

Je veux un thriller avec un fort ancrage historique, une intrigue dense, à la complexité croissante, une ambiance à couper au couteau, 50 nuances de personnages et un propos engagé sur l’acte de tuer : "Monster" de Naoki Urasawa, édité chez Kana.
Attention : réservé à un public averti (16 ans et +)


Nous suivons, dans l’Allemagne des années post-réunification, Kenzo Tenma, un jeune neurochirurgien japonais surdoué promis à un brillant avenir et fiancé à Eva, la fille du directeur de son hôpital. Problème : sa conscience le ronge lorsqu’il prend conscience que le directeur privilégie toujours les patients fortunés à l’ordre d’arrivée et à la gravité des cas. Les choses basculent le jour où un enfant ayant pris une balle dans le crâne, seul rescapé avec sa sœur jumelle Anna du massacre ayant coûté la vie à leurs parents, les Liebert, deux ex-dignitaires est-allemand, rentre dans son bloc pour une opération hautement risquée qu’il est le seul à pouvoir réussir. Alors qu’on lui demande de s’occuper du maire de la ville, arrivé entre-temps, Tenma choisit de désobéir et sauve l’enfant, laissant le maire à d’autres chirurgiens. Seulement, le maire décède, ce qui lui vaut d’être mis sur une voie de garage définitive et lui coûte également ses fiançailles avec Eva, peu désireuse de rester avec un raté. Alors que tout semble aller au plus mal, le directeur et deux autres pontes sont retrouvés empoisonnés dans des circonstances troublantes qui valent à Tenma la suspicion de l’inspecteur Rungue du BKA, vu qu’il avait d’excellentes raisons de vouloir la mort du directeur. Second évènement troublant, les jumeaux disparaissent sans laisser de traces. La nouvelle direction, pétrie de méritocratie, remet la carrière de Tenma sur ses rails.

Huit ans plus tard, Tenma est devenu directeur du département de neurochirurgie. L’Allemagne est secouée par les meurtres de couples d’âges moyens. Mêlé malgré lui à l’affaire à cause de l’inspecteur Rungue, qui ne l’a pas oublié, puis d’un patient qui a servi d’homme de main au tueur, Tenma s’aperçoit avec horreur que le commanditaire de ses meurtres n’est autre que Johan, l’enfant qu’il a sauvé jadis. Pire, ce dernier fait exécuter les parents adoptifs de sa sœur, devenue Nina Fortner, retrouvée in extremis par Tenma. Ce dernier, désormais accusé officiellement des meurtres de Johan, se retrouve fugitif alors que Nina part de son côté et prend la décision de se lancer à la poursuite de son frère. Commence une traque n’ayant qu’un objectif, éliminer Johan, le Monstre, qui semble avoir un plan bien plus vaste, avant qu’il ne laisse encore plus de morts dans son sillage, mais aussi faire la lumière sur le mystérieux passé des jumeaux….

J’ai volontairement laissé certains éléments dans l’ombre pour ne pas vous gâcher la lecture des deux premiers tomes. Mais il est difficile de donner un résumé de l’œuvre, tant chaque tome est dense et ajoute de la complexité à l’intrigue, jamais prévisible, mais toujours palpitante. Le cadre historique autour de l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne post-réunification est solidement documenté. L’œuvre aborde beaucoup de thématiques dures comme les expérimentations sur les enfants, le racisme, les groupes suprémacistes blancs, la prostitution, la torture… Une autre grande force de ce manga est sa galerie, très fournie, de personnages, parfois récurrents, parfois ne durant qu’un chapitre, toujours très humains et s’échelonnant, en passant par toutes les nuances de gris : des braves gens aux plus immondes psychopathes, capables, pour certains, de surpasser leurs traumatismes, d’évoluer et de se remettre en question alors que d’autres nous font demander s'ils ne sont pas encore pire que Johan.

Plus spécifiquement, beaucoup des personnages, rencontrés par Tenma et Nina au cours de leur traque, viennent nourrir la réflexion des personnages et, de facto la notre, sur le thème fil rouge de l’œuvre : le fait de donner la mort, et les conséquences irrémédiables que cet acte entraîne, non seulement pour la victime et son entourage, mais aussi pour la personne qui presse la détente. Car tuer dans Monster, ça n’est jamais un acte anodin, mais une action qui entraîne une partie de nous avec la victime ; même si une forme de rédemption est possible, on ne redevient jamais le même.

Une fois n’est pas coutume, si vous voulez vous frotter à l’oeuvre, je me dois de vous conseiller vivement l’adoption en animé, disponible sur Netflix et réalisée par le mythique studio Mappa qui est une masterclasse qui sublime complètement les planches du manga et ses ambiances avec des plans maîtrisés, une animation qui ne prend pas une ride et une bande son solide. En guise d’amuse-bouche, vous trouverez ici l’opening de la série.

Classique parmi les classiques, Monster est à la fois un thriller palpitant ancré dans une période historique mouvementée, une oeuvre qui brasse des thématiques capitales comme le racisme et l’eugénisme et une fresque de personnages mémorables. Si je ne devais vous conseiller qu’un manga pour adulte, cela serait celui-ci !

 

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Actualité rédigée par
Jade

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