Sous le masque des animatrices et animateurs : de héros à héraut

Sous le masque des animatrices et animateurs : de héros à héraut

Vous le savez si vous suivez nos articles : cette année, le projet en écoles Diversity Power a pour thème les super héros. Loin de la soupe façon Marvel, l’équipe d’animation du C-paje s’est concentrée sur les figures historiques inspirantes pour lutter contre le racisme, de Frida Kahlo à Luther King. Et si des actes de bravoure se nichaient dans des gestes ordinaires ? Entretiens croisés.

Les animateurs et animatrices sont-ils dotés de supers pouvoirs ? On n’entend pas par-là que leur métier serait surhumain (même s’il comporte ses moments difficiles, on s’en enquiert dans l’article suivant). Mais, à l’instar de Superman, dont les capacités hors-normes découlent de son origine extraterrestre, débarquer de l’astre associatif sur le continent scolaire peut parfois insuffler un dynamisme miraculeux. « Même si on incarne un projet réalisé en classe, on n’est pas des profs, ce qui aide les jeunes à s’exprimer davantage ou différemment. On représente une sorte de personne tierce, qui peut entendre des propos qu’ils n’ont pas l’habitude de formuler à l’école », résume Jonathan. La posture d’animateur et la magie des supports créatifs débloquent parfois des conflits larvés, apaisent des climats de tension ou révèlent des facettes inédites : « j’entends souvent les enseignants s’exclamer : “je n’avais jamais vu cet élève comme ça !”. On voit des jeunes changer d’attitude quand ils se mettent au dessin, et dévoiler des atouts qu’ils n’ont pas l’occasion d’exploiter en classe ».

L’enfance de l’art

Puiser dans ce vivier de méthodes occultées par les programmes d’étude constitue une force redoutable des animateurs. « Mes dizaines d’années d’expérience dans les ateliers de création de bande dessinée : le voilà mon super pouvoir », décoche Benoît. Sa science du découpage et de la composition des cases a cornaqué les élèves de Liège 1 pour transcrire leur fougue narrative en un récit ciselé. De leur côté, Shirley et Laura, en binôme à l’école fondamentale Bressoux - De Gaulle, renchérissent respectivement avec le chant et la danse. La première détaille : « on pratique toutes les deux ces arts en dehors de notre boulot d’animatrice, ce qui nous a exhortés dans l’emploi de ces outils (corps et voix) dans le milieu scolaire », malgré leur caractère intime et potentiellement vulnérabilisant. « On n’est pas là pour chanter juste, mais pour prendre du plaisir, ensemble, sans diviser les enfants à l’aune de leurs facultés ». Laura abonde : « on a inclus ces disciplines parmi d’autres d’art plastique, et on a vu les primaires les aborder de façon décomplexée. La chorégraphie que l’on a élaborée vient d’eux : de leurs poses jusqu’au slogan du refrain – “on naît tous différents, mais on est humains”. Ils ont retenu les histoires de Mohammed Ali, Frida Khalo, Nanny des marrons… et les ont intégrées dans les paroles d’une chanson collective ». Cet hymne a même réussi à ce qu’une petite fille, jusqu’alors mutique, fasse entendre sa voix le temps d’un couplet. Le projet d’animation renoue avec l’innocence créative bienveillante des classes de maternelle, tout en abordant frontalement la lutte contre le racisme.

Touche-à-tout

Fabrice, détaché pédagogique au C-paje qui connaît les deux casquettes, ne s’en cache pas une seconde : « au contraire des profs, les animateurs bénéficient d’un large temps de préparation ». Un luxe précieux, qui se double d’un accès à du matériel onéreux. « L’autre jour, j’amenais des pots d’écoline pour mon animation, et je croise Clarke, dessinateur de BD liégeois. Il était bluffé que je transporte une telle fortune, impayable pour le milieu scolaire ». Reste à mobiliser cette matière première ingénieusement, au profit d’activités personnalisées, qui s’adaptent au public. Fabrice érige ce mantra en garde-fou : « on doit éviter de marcher sur les plates-bandes de l’enseignant. Quand on déploie une panoplie de techniques au confluent de plusieurs arts, comme le théâtre objet - qui utilise des ustensiles du quotidien à la place des acteurs -, la classe nous dévisage avec des yeux pétillants. Le voilà, notre super pouvoir ! ».

À son paroxysme, l’adaptabilité permet de laisser les jeunes sélectionner leur propre finalité artistique. Ce lâcher-prise a eu lieu à l’école de Commerce et de Comptabilité. Valou raconte : « On a commencé par leur faire découvrir des pratiques qu’ils ne connaissaient absolument pas, comme la sérigraphie ou la broderie ». Loin des réticences survient cette séquence mémorable durant laquelle ces ados de 17 ans cousent dans une concentration silencieuse, en écoutant un podcast sur Martin Luther King. « Face à ces participants pétris de bonne volonté, on s’est sentis en confiance et on a décidé, avec Jonathan, de les laisser choisir la technique de réalisation du projet de fin d’année ». Émerge, contre toute attente, l’envie de travailler la 3D, qui n’avait pas été envisagée par l’équipe d’animation. « Ils souhaitaient confectionner une création monumentale, qui laisse une trace dans leur petite école de 200 élèves. Ils ont été touchés qu’on relève le défi. Et finalement, leur statue géante, ils ont tous envie de la ramener chez eux ». Rendre des étudiants fiers de leur production, infuser l’air de rien des valeurs antiracistes, instaurer un climat de confiance dans des groupes morcelés… En dépit de lancer des lasers avec leurs yeux, les animateurs ont une palette qui envoie des paillettes plein les mirettes.

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Animation

Actualité rédigée par
Boris KRYWICKI

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